Monaco Hebdo n° 350 - du 1er au 6 novembre 2002

 

Procès Safra Les avocats répondent aux rumeurs

Le 21 novembre prochain, Ted Maher comparaîtra devant le tribunal criminel pour "incendie volontaire ayant entraîné la mort" d’Edmond Safra et de Vivian Torrente. Les magistrats devront notamment faire face aux rumeurs qui circulent autour de ce drame survenu en décembre 1999

Personne ne voulait y croire. Trois jours après l’incendie spectaculaire de l’immeuble Le Belle Epoque, Ted Maher, reconnaît avoir mis le feu, le 3 décembre 1999, à une poubelle dans l’appartement du banquier milliardaire Edmond Safra. Pour devenir l’infirmier en chef de son patron, atteint de la maladie de Parkinson, il simule une agression en espérant passer pour un héros, voire en tirer quelques profits pécuniaires. Tout le monde connaît la suite... Très vite, des bruits circulent : l’infirmier aurait été payé par la mafia pour assassiner son patron. Rumeur qui se fonderait sur une calomnie, plus ancienne, orchestrée de toutes pièces par l’American Express pour ternir l’image de son concurrent Safra. Un procès a eu lieu en son temps et la banque s’est excusée. Pourtant, l’appartement du défunt était bel et bien bunkérisé et celui-ci redoutait de se faire assassiner. Selon Me Marc Bonnant, avocat de Lily Safra, veuve du défunt, ces rumeurs circulent aussi parce que "la justice a vite établi la vérité. Safra n’avait pas d’ennemis". Pour lui, il s’agit "d’une tragédie et d’une absurdité. C’est un incendie par communication. Maher met le feu à une poubelle dans un local exigu. Il abandonne le feu. Il a donc créé les circonstances de risque pour que des gens meurent". Pour la cour de révision, qui a tranché en septembre dernier, c’est un "incendie volontaire ayant entraîné la mort". Les frères d’Edmond Safra souhaitaient la qualification d’assassinat, tandis que les avocats de Ted Maher revendiquaient celle d’homicide involontaire. Parmi ceux-ci, Me Georges Blot se déclare insatisfait : "pour qualifier de crime l’incendie d’une maison habitée, indique-t-il, il me paraît évident qu’au moins faut-il pour qu’il y ait crime, avoir eu l’intention de le commettre. Il n’existe pas de crime non intentionnel. Il n’y a rien dans le dossier -qui a été l’objet d’une instruction de près de trois ans- qui permet de penser qu’à un seul moment, Ted Maher a eu l’intention de mettre le feu à l’appartement de Safra. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que vers 5 h 30 Ted Maher quitte l’immeuble pour être transporté en ambulance à l’hôpital. Ce n’est qu’à sept heures moins le quart que l’on découvrira le corps de M. Safra et celui de Vivian Torrente, morts par suffocation". Et de préciser : "Ted Maher a mis le feu à une corbeille à papier en écartant les meubles qui lui étaient proches et la disposant au centre de la pièce sous un détecteur à fumée qui a immédiatement rempli son office en déclenchant l’alarme. S’il avait voulu incendier l’appartement, il aurait pu, au coeur de la nuit, mettre le feu à des éléments combustibles de la décoration. Il n’y avait pas une chance sur mille d’arriver à ce but à partir de quelques serviettes en papier chiffonnées dans une corbeille en plastique. D’ailleurs, le feu s’est déclaré bien après et ce n’est pas un incendie qui a tué mais la fumée dégagée par la combustion des éléments de la construction (conduit de climatisation, faux plafond et autres). La qualification de crime ne me semble pas pouvoir être retenue. Celle d’homicide involontaire me paraîtrait plus adaptée. Rappelons que le tribunal criminel est totalement libre de choisir et d’appliquer la qualification qui lui semblerait la plus opportune". Thèse contestée par Me Bonnant : "c’est Maher qui par son mensonge crée la situation de paralysie", explique-t-il, en rappelant que pendant que Maher est à l’hôpital, Safra et son infirmière sont en train de mourir intoxiqués, car les pompiers ont reçu l’ordre de la police de ne pas intervenir, croyant que des "hommes encagoulés et armés", sont dans l’appartement, message diffusé alors par les radios de la police. Même son de cloche du côté de Me Géraldine Gazo, avocat du veuf et des enfants de Vivian Torrente : "ce qui a empêché Mme Torrente de sortir de la pièce, c’est que M. Maher a dit que des personnes encagoulées et armées étaient dans l’appartement. Elle avait aussi vu M. Maher ensanglanté", explique-t-elle en récusant du même coup la thèse selon laquelle Safra aurait empêché son infirmière de sortir de la salle-de-bain. "L’hématome constaté après autopsie de Mme Torrente était interne, et n’est pas lié à une strangulation. Il est impossible que M. Safra ait porté atteinte à l’intégrité physique de Mme Torrente. Il était atteint de la maladie de Parkinson, il n’y a pas de trace de lutte et après analyse des ongles de M. Safra, on n’a pas retrouvé d’ADN de Mme Torrente". Défaillance de la police Quant aux bruits selon lesquels M. Torrente, le veuf de la victime, aurait été dédommagé par la famille de Safra pour ne pas accuser celui-ci, Me Géraldine Gazo les réfutent. "Mon client et ses enfants sont désespérés. Ils veulent juste savoir la vérité". Quid des rumeurs sur la mésentente du couple Safra ? Le banquier, enfermé dans la salle-de-bain, est au téléphone avec sa femme. "Il n’a pas cru sa femme qui lui disait qu’il pouvait sortir", indique Me Blot. "C’était un couple d’une fabuleuse entente d’amour", déclare pour sa part Me Bonnant qui regrette que l’inculpé n’ait pas envoyé "un mot de regret à Lili Safra. Un homme qui dit pourtant qu’il adorait Edmond". "Ted Maher n’a pas arrêté d’exprimer ses regrets", rétorque Me Blot. Seul point sur lequel les parties s’accordent, celui de la défaillance de la police, qu’elles ne manqueront pas d’invoquer pendant le procès. "Quand le patron de la sécurité de Safra arrive sur les lieux et insiste auprès des policiers pour leur dire qu’il a les clés de l’appartement et qu’il sait où se trouve son patron, il est menotté", déplore Me Bonnant. Et il aura fallu plus d’une heure avant que les secours n’entrent dans l’appartement... trop tard

S. B.



 




 



 




 





 

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