Monaco Hebdo n° 323 - du 21 au 27 mars 2002

 

Disparition de Victor Pastor

Figure quasi-emblématique de l'économie monégasque, Victor Pastor est décédé mercredi 13 mars dernier à l'hôpital Princesse Grace des suites d'une longue maladie. Ses obsèques ont été célébrées en l'église Saint-Charles le vendredi suivant

Une foule compacte entourait les membres de la famille, venus rendre les derniers hommages à ce personnage important, et paradoxalement très discret, de la société monégasque. L'église était comble. Dehors des curieux s'étaient amassés "pour voir". On remarquait de nombreuses personnalités au premier rang desquelles le Prince héréditaire Albert et le Ministre d'Etat, Patrick Leclercq. La cérémonie, très sobre, fut célébrée par le père César Penzo sous la présidence de Mgr Barsi, archevêque de Monaco. Une courte homélie soulignait le caractère d'"homme discret et efficace, qui a su se rendre utile à sa famille, ses amis auxquels il fut fidèle, et à son pays en y travaillant et en donnant du travail, mot qu'il considérait comme sacré. Il aura contribué avec ses concitoyens à changer le visage de la Principauté. Souvent surnommé “l'ecclésiastique”, Victor Pastor venait ressourcer sa foi dans la petite chapelle familiale". Les coulisses du pouvoir Discret, Victor Pastor l'était. Marié à deux reprises et père de quatre enfants, il jouait plus volontiers les hommes de l'ombre que les personnages publics et fréquentait peu les soirées mondaines monégasques. Pour ses amis, dirigeants de grandes entreprises internationales, le promoteur rêvait d'un Monaco où "ils ne seraient plus regardés comme des bêtes curieuses par les touristes lorsqu'ils prendraient un café à la terrasse du Café de Paris", nous avait-il déclaré lors d'un entretien. Son pouvoir et son influence étaient néanmoins bien réels. Victor Pastor était à la tête d'une immense fortune, héritée de son père Gildo, entrepreneur comme lui, décédé en 1991, et partagée avec son frère Michel et sa soeur Hélène. Né le 20 janvier 1936 à Monaco, diplômé en droit et en commerce, Victor J.B. Pastor avait pensé un moment embrasser la carrière d'avocat avant d'en-trer, très jeune, dans la société familiale. Victor Pastor apprend les ficelles du métier avec son père. Ils construisent ensemble le fameux quartier du Larvotto sur le front de mer, plus de 500.000 m2 d'immeubles de luxe. Victor attrape le virus de la construction. Il en oublie ses ambitions premières. A 21 ans, il est nommé administrateur délégué de la société J. B. Pastor & Fils. Son travail deviendra sa seule passion connue. Il restructure le groupe familial et diversifie ses activités : banque, assurance, courtage... L'entreprise prospère également en France et y réalise des immeubles de bureaux et des lotissements. Mais la plupart des capitaux sont réinvestis en principauté où la société a déjà réalisé plus d'un million de mètres carrés de constructions. Principalement dans l'achat de parcelles de terrain ou d'immeubles. La société prend des options dans tous les quartiers de Monaco et réalise les plus gros chantiers, publics ou privés, du pays : le Centre cardio thoracique, la maternité de l'hôpital Princesse Grace, l'Espace Fontvieille, le Sporting d'été, l'usine d'incinération pour n'en citer que quelques-uns. Les réalisations publiques sont au moins aussi importantes que les immeubles privés. Cette position dominante a valu à Victor Pastor d'être nommé Conseiller économique de la principauté, vice-président de la Caisse des Congés payés du Bâtiment et président de la Fédération Patronale durant neuf ans favorisant alors l'entrée d'entreprises françaises à Monaco. Il a d'ailleurs entretenu d'étroites relations avec les autorités françaises, en mettant en avant son statut d'employeur de salariés français, apportant un soutien matériel et financier aux oeuvres sociales des communes limitrophes et en devenant membre bienfaiteur de la Maison de France à Monaco. En 1993, il offrira au musée du Louvre "Le salon de Madame Récamier". La France se montrera reconnaissante qui lui décernera la légion d'Honneur le 6 novembre 2000. Comment les Monégasques et les résidents voyaient-ils Victor Pastor ? Son immense fortune et son influence indéniable lui valurent des sentimens contrastés. Les uns le décrivant comme un négociateur et un homme d'affaires impitoyable, un boulimique à qui ils reprochaient de vouloir enfermer Monaco sous une chape de béton. Les autres vantant son caractère affable, sa courtoisie et sa grande simplicité dans les rapports humains. Victor Pastor assumait parfaitement cette réputation de bâtisseur insatiable, porté par l'intime conviction que ses ambitions étaient à la hauteur de ce qu'il souhaitait pour Monaco.

C. I.



 




 



 




 





 

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